Le Baptême de Rollon dans les chroniques de Saint-Denis
Titre : | Le baptême de Rollon |
Auteur : | Inconnu |
Technique : | Enluminure |
Dimensions : | Inconnues |
Année : | XIVème siècle |
Conservation : | Bibliothèque municipale de Toulouse |
Depuis les dernières années du règne de Charlemagne, les normands – littéralement « hommes du nord » – multipliaient les incursions en Francie occidentale et se livraient à des pillages de plus en plus fréquemment. C’est dans ce contexte que Rollon (aussi appelé « Rollo », « Rhou » ou « Hrolfr ») surgit dans l’histoire de France et fonda le duché de Normandie après un traité avec le gouvernement franc.
Des raids vikings chez les carolingiens
Durant la seconde moitié du IXème siècle, le délitement du royaume carolingien favorisa l’audace de redoutables guerriers de la mer : les vikings. Ultra mobiles grâce à leurs drakkars, ils remontaient agilement les fleuves et semaient la terreur sur le territoire.
En 843, une centaine d’embarcations scandinaves remonta la Loire et attaqua Nantes. Deux ans plus tard, le légendaire chef viking Ragnar Lodbrok s’empara de Paris. À cette époque, le souverain Charles le Chauve était déjà affairé à lutter contre l’insubordination de ses grands seigneurs. Sa seule issue fut de payer une rançon colossale aux envahisseurs en échange du départ de Ragnar.
Le siège de Paris par les Vikings
Les rois se succédèrent, de grands travaux furent mis en place pour la défense des villes, mais les assauts continuèrent.
En 886, une flotte de 700 navires déversa ses quelques 20 000 guerriers au pied des murailles de la capitale pendant plusieurs mois. Les parisiens résistèrent grâce à l’énergie déployée par le Comte Eudes (futur roi des francs) pour défendre Paris. Mais c’est de nouveau contre le versement d’un tribut que les normands consentirent à se retirer pour aller piller plus à l’est.
Le comte Eudes défend Paris contre les Normands, 883-886
Par Jean-Victor Schnetz en 1837 | Galerie des batailles, Château de Versailles
L’histoire de Rollon
Les principales sources que nous possédons sur Rollon sont tirées de « l’histoire de Normandie » rédigées dès la fin du Xème siècle par Dudon de Saint-Quentin.
Ainsi, avant ses aventures franques, nous ne connaissons pas le parcours de Rollon avec certitude. Probablement d’origine norvégienne, il aurait été banni de son pays par le roi Harald. Il serait ensuite parti ravager l’Irlande et l’Angleterre avant de s’attaquer à la Francie. Selon certaines sources, il aurait participé au siège de Paris en 886.
A la fin du IXème siècle, il s’implanta solidement à Rouen avec sa troupe. Il établit un pacte avec l’archevêque Gui lui demandant d’épargner la ville. Mais l’armée de Rollon continua de semer la terreur et assiégea Chartres puis Paris.
De son côté, Charles III le Simple était occupé à l’est à récupérer la Lotharaigie. Pour assurer ses arrières à l’ouest, il décida d’entamer des pourparlers avec Rollon. Ces négociations aboutirent sur le traité de Saint-Clair sur Epte.
En contrepartie, Rollon s’engageait à assurer la protection et la sécurité du royaume. Le pacte fut scellé grâce à son union avec Gisèle, fille du roi, et finalement, grâce à son baptême chrétien.
Rollon négociant la reddition de Rouen
Enluminure des Chroniques de Saint-Denis
Qu’est-ce qu’une enluminure ?
Le mot « enluminure » vient du latin « illuminare » signifiant « éclairer ». Ces illustrations, réalisées sur parchemin ont donc la fonction d’illuminer le texte qui les accompagne.
La plupart du temps, c’étaient les moines qui créaient les manuscrits, souvent commandés par une famille noble ou même par un souverain.
On compte trois principaux types d’enluminures :
– la composition décorative, décorant la page et le texte comme par exemple les bordures
– les lettrines, des lettres ornées marquant le début d’un paragraphe ou d’un chapitre
– les miniatures, qui sont en fait de tous petits tableaux représentant des scènes entières
Le baptême de Rollon est donc une miniature, dans laquelle l’artiste utilise un certain nombre de codifications propres à l’enluminure pour transmettre un propos plutôt religieux, comme bien souvent au moyen-âge.
Le baptême de Rollon en 912
Enluminure des Chroniques de Saint-Denis
Décodage de l’enluminure
De part et d’autre des fonds baptismaux, deux groupes distincts se font face. La proximité des personnages de chaque groupe suggère qu’ils communiquent entre eux. On note le dédoublement de certains sujets (3, 4 et 5), procédé courant dans ce genre pictural pour évoquer une relation de maître à élève. On distingue le maître par un attribut supplémentaire : dans le groupe de gauche, le maître serait celui qui présente un coffret (3). Tout à fait derrière, l’un des deux se différencie avec une coiffe (5). A droite de Rollon, c’est son parrain le Duc Robert d’Aquitaine (dont il prend le prénom à l’occasion de ce baptême) qui se distingue avec sa ceinture.
On peut remarquer que le chef viking (1), au centre de la scène, est représenté tel un seigneur. Cette position de face est une utilisation récurrente au moyen-âge pour figurer les souverains, ainsi placés hors du temps. En opposition, les sujets placés de profil sont eux dans l’action. L’archevêque (2), portant mitre et crosse, est dessiné beaucoup plus grand que les autres, signe de son importance et de sa position hiérarchique.
Quand au seul personnage féminin de l’image (6), nous savons qu’il s’agit de son épouse Gisèle, grâce à sa mention dans la légende sous l’enluminure : « Comment Rollo receut baptesme et fut son parrin Robert le duc d’Acquitaine, et comment il eut a femme Gille la fille du roy de France ».
- Rollon | 2. L’archevêque | 3. Groupe ecclésiastique | 4. Groupe laïc le Duc Robert à droite | 5. Groupe laïc | 6. Gisèle
Il paraît surprenant que Gisèle soit représentée ainsi puisque plusieurs sources affirment qu’elle n’avait pas plus de 4 ans au moment des noces. En tous cas, c’est avec Poppa, fille du comte de Bayeux que Rollon assurera sa descendance. Et quelle descendance ! Toute la lignée des Ducs de Normandie jusqu’au XIIème siècle, dont le célèbre Guillaume le Conquérant.
Avec son parcours singulier, Rollon éveille un intérêt romanesque depuis des siècles, à commencer par sa présence dans les chroniques historiographiques de France. Plus récemment on peut le retrouver en bande dessinée dans « Rouen », scénarisé par Olivier Petit et surtout dans l’incontournable série « Vikings » qui prend des libertés avec l’histoire et en fait le frère félon de Ragnar.
A propos des chroniques de Saint-Denis...
Les chroniques de Saint-Denis sont un recueil d’écrits latins sur l’histoire de France, compilés à l’abbaye de Saint-Denis (devenue aujourd’hui une basilique). Leur rédaction va de l’an mil jusqu’à la fin du XIIème siècle.
Elles furent ensuite doublées d’une version française et complétées par les vies des rois suivants dans l’objectif d’une plus vaste diffusion.
Les chroniques de Saint-Denis ont servi de réservoir à de nombreuses générations d’historiens et sont finalement le socle de toutes les connaissances sur l’histoire de la France médiévale.
Repères
- 845 : Naissance supposée de Rollon en Scandinavie
- 886 : Siège de Paris par les vikings
- 911 : Traité de Saint-Clair sur Epte
- 912 : Baptême de Rollon
- Entre 927 et 933 : Mort de Rollon
- ~ 1000 : Début de la rédaction des Chroniques de Saint-Denis
J’ignorais tout de cette histoire passionnante . Tu as su très bien résumer les faits sans longueurs, juste comme il le fallait. Bravo. Il ne me reste maintenant plus qu’à regarder la série » Vikings ». Merci de prendre le temps de nous faire voyager au fil des ans.
DANIEL
Voilà un passage de notre HISTOIRE fort intéressant, avec un texte limpide, bravo.
Merci pour vos encouragements !