Le buste de Nefertiti par Thoutmes
Titre : | Buste de Nefertiti |
Auteur : | Thoutmes (ou Thoutmôsis, ou Djéhoutymosé) |
Technique : | Sculpture en calcaire et stuc peint |
Dimensions : | 47 cm |
Année : | Environ 1345 av.JC |
Conservation : | Neues Museum de Berlin |
Le buste de Nefertiti en chiffres
ans
cm
kilos
ans de mystère
oeil
La Belle est venue ». Telle est la signification du nom de Nefertiti.
Chacun connaît le visage de la reine d’Égypte grâce au buste en calcaire réalisé par Thoutmes. Cette sculpture, en plus d’être l’un des emblèmes les plus illustres de l’Égypte antique, est devenue aujourd’hui un idéal universel de grâce et de beauté.
Découverte du buste de Nefertiti par Borchardt
En 1912, année de la découverte du buste de Nefertiti, l’Égypte est encore un protectorat britannique, mais les fouilles archéologiques sont sous la responsabilité des français, notamment de Gaston Maspéro.
Depuis 1899, Maspéro, alors directeur du service des antiquités du Caire, s’était employé à encourager les campagnes de fouilles en Égypte. La mise en cœuvre prochaine de la réforme du système d’irrigation, allait selon lui imprégner d’eau des terrains où des objets étaient peut-être encore enfouis, les rendant ainsi perdus pour la science. Entre 1900 et 1912, le nombre de chantiers archéologiques fut ainsi multiplié par quatre.
C’est à partir de 1911 que l’archéologue allemand Ludwig Borchardt entreprit de fouiller minutieusement le site de Tell el Amarna, autrefois capitale de l’Égypte connue sous le nom d’ Akhetaton. Dans les ruines de l’antique cité, il découvrit l’atelier de Thoutmes, sculpteur attitré de la cour.
Le buste de Nefertiti gisait sur le sol parmi d’autres objets d’art, principalement dédiés au pharaon et à sa famille.
Le 6 décembre 1912, il nota dans son journal :
« Tout à coup, nous avions entre les mains l’œuvre d’art égyptienne la plus vivante. On ne peut pas la décrire avec des mots. On doit la voir. »
Découverte du buste de Nefertiti en 1912
Le transfert (pas très régulier) de Nefertiti en Allemagne
Pour exporter d’Egypte cette incroyable découverte, Borchardt semble avoir dû ruser.
L’arrangement en cours à cette époque était un partage des pièces sous le contrôle du service des antiquités du Caire, qui rappelons-le était dirigé par des français. C’est Gustave Lefèvre qui se chargea de la répartition des objets du chantier allemand. Ce partage fait encore aujourd’hui polémique : comment Lefèvre a-il pu laisser filer une pièce aussi indéniablement précieuse ?
Borchardt en aurait volontairement sous-estimé la valeur en la camouflant ou en la maquillant. Une fois l’autorisation de l’exporter jusqu’en Allemagne obtenue, l’archéologue intervint encore pour qu’elle ne soit pas exposée immédiatement, sans doute pour ne pas attirer l’attention.
Ce n’est qu’en 1924 que le buste est enfin dévoilé au grand public. Depuis, les autorités égyptiennes n’ont cessé de réclamer sa restitution. Sans succès.
Le mystère des origines de Nefertiti
On les comprend, cette sculpture est sans conteste une œuvre majeure de l’ère pharaonique.
Mais si son visage est éminemment célèbre, Nefertiti, elle, reste un mystère à de nombreux points de vue.
Son origine est incertaine. La signification de son nom (« la belle est venue ») semble indiquer une origine étrangère, mais aucun document n’atteste cette information. Les avis divergent sur sa famille : fille d’ Amenophis III ? Belle-fille du dignitaire Aÿ ?
Même la date de son mariage avec Akhenaton et son accession au trône reste incertaine. Pourtant, les chroniques suggèrent un rôle de premier ordre dans le gouvernement et les prises de décisions. Contrairement aux autres pharaons qui possédaient harems et concubines, Akhenaton consacra Nefertiti comme unique épouse.
Akhénaton, Nefertiti et leurs enfants
Neues Museum, Berlin |1340 av. JC
Le règne de Nefertiti
Ensemble, ils abandonnèrent Thèbes et déplacèrent la capitale en plein désert. Akhetaton, « l’horizon d’Aton », devint le centre névralgique de la réforme religieuse initiée par le couple royal. Aton, jusqu’ici considéré comme une divinité mineure du panthéon égyptien, devint le dieu unique et exclusif.
Cette révolution cultuelle valut à Akhenaton le surnom de « Pharaon hérétique ». La centralisation exagérée dans la nouvelle capitale provoqua une crise économique importante. L’inertie militaire du pouvoir entraîna des pertes de territoires. Manquant d’or, la prodigalité et donc l’influence de l’Egypte diminua.
A la mort du roi (vers 1337 av.JC), le pays avait perdu de nombreux territoires.
Les registres nous indiquent qu’un souverain du nom de Smenkhkare lui succéda pendant deux ans. Selon certains spécialistes, cet obscur pharaon ne serait autre que Nefertiti elle même ! Cette explication justifierait la disparition de la reine dans l’iconographie et les archives : elle aurait simplement changé de statut et de nom pour ce nouveau rôle. Les circonstances et la date exacte de son décès restent énigmatiques également.
Sans les vestiges singuliers de l’art amarnien, sans la découverte de son portrait devenu iconique, le souvenir Nefertiti se serait certainement perdu dans les limbes de l’histoire.
Akhenaton et Nefertiti
Musée du Louvre | 1345 av. JC
Le renouveau de l’art sous d’Akhenaton
L’art amarnien – du nom de « Tell el Amarna » – déployé sous le règne d’Akhenaton s’appuyait sur l’outrance des formes, extrêmement stylisées. Il y eut une volonté de s’éloigner des canons classiques qui généralement idéalisaient les personnages, notamment les souverains. Les sujets sont représentés plus réalistes, quitte à accentuer leurs défauts et finalement à les caricaturer.
On observe, des corps ventrus, des figures aux lèvres proéminentes et des crânes anormalement allongés. Les bas reliefs montrant l’intimité de la famille royale, mettent en scène leur lien avec Aton, omniprésent, représenté par l’astre solaire dont les rayons se terminent par des mains protectrices.
Akhenaton et sa famille accomplissant une offrande
Musée_du_Caire | 1356 -1340 av. JC
Un chef d’œuvre signé Touthmes
Le buste représentant Nefertiti détonne pourtant de ce courant artistique. Il s’inscrit davantage dans le style classique thébain de l’art égyptien bien qu’on ne connaisse pas réellement d’œuvre équivalente. Thoutmes était manifestement un artiste complet : modeleur, graveur et peintre hors pair !
La sculpture est réalisée en calcaire, recouvert de stuc. D’une hauteur de 47 cm, elle pèse une vingtaine de kilos.
La reine porte une couronne bleue, assez massive, contrastant avec la finesse du cou. On retrouve cette même couronne sur d’autres représentations de Nefertiti.
Une étude ayant appliqué une grille sur le visage de Nefertiti révèle une quasi parfaite symétrie des traits.
La cavité vide de l’œil gauche de Nefertiti fit couler beaucoup d’encre. Lors de sa découverte, l’équipe pensait avoir égaré le quartz censé garnir l’orbite. Mais après une minutieuse inspection dans l’atelier de Thoutmes, l’œil de la reine resta introuvable.
Plusieurs hypothèses essaient d’expliquer cette absence. Certaines, farfelues, évoquent que la reine était tout simplement borgne ! Une explication intéressante suggère que ce buste ait pu servir de modèle au maître pour enseigner à ses élèves la technique d’incrustation d’un œil.
Cette idée que l’effigie de Nefertiti serait un modèle est d’ailleurs appuyée par plusieurs égyptologues. Il aurait servi à réaliser d’autres représentations de la reine.
Buste de Nefertiti
Neues Museum, Berlin | 1345 av. JC
La polémique sur l’authenticité du Buste de Nefertiti
Une théorie selon laquelle le buste de Nefertiti serait un faux a fait l’objet d’un livre intitulé « Le buste de Nefertiti : Une imposture de l’égyptologie ? » publié en 2009. L’auteur, Henri Stierlin s’appuie essentiellement sur le manque d’empressement de Ludwig Borchardt à exposer sa découverte. Il suppose que l’archéologue et son équipe auraient expérimenté pendant les fouilles, une reconstitution d’effigie royale avec les matériaux trouvés dans l’atelier de l’artiste. En décembre, la famille du Prince de Saxe visita le chantier archéologique et s’extasia sur la sculpture. Borchardt aurait prétendu que l’objet était authentique pour ne pas les décevoir et aurait été pris au piège de son mensonge. Cela expliquerait ainsi la dissimulation du buste lors du partage, et le manque de discernement des français.
Stierlin met en exergue également l’état de conservation exceptionnel du buste, ainsi que son style en décalage avec le courant amarnien. Autant d’arguments nettement réfutés par la communauté scientifique.
Enfin, l’ultime mystère concernant Nefertiti est celui de sa sépulture. Cependant, deux théories sont attentivement étudiées.
La première, soutenue par Marc Garolde, se rapporte à une momie baptisée « Younger Lady » lors de sa découverte en 1898. Des tests ADN effectués en 2010 l’identifie formellement comme la mère de Toutankhamon et appartenant à la famille royale. Garolde soutient qu’elle serait Nefertiti. A noter qu’il rejette la thèse que la reine aurait survécu à son époux et lui aurait succédé sur le trône. Selon lui, la reine-pharaon Smenkhare serait Meritaton, la fille aînée du couple royal.
La deuxième hypothèse, émise en 2015 par Carl Nicholas Reeves, avance que le tombeau de Nefertiti se dissimulerait à l’intérieur du fameux tombeau de Toutankhamon découvert en 1922 par Howard Carter. Des scans ont en effet révélé qu’une pièce secrète et inviolée se situait derrière l’une des parois de l’hypogée.
Si l’existence de cette salle est quasiment avérée, en revanche, l’attribuer à la tombe de Nefertiti n’est que spéculation tant qu’on ne l’a pas explorée. Et la vérification de cette théorie sera on ne peut plus délicate, car il est évidemment impensable d’endommager les scènes peintes sur ce mur de séparation. A suivre donc…
A propos de Thoutmes...
L’identification de Thoutmes comme maître de l’atelier découvert en 1912, et donc l’attribution de la paternité du buste de Nefertiti était fragile. Les indices sur lesquels se reposait Borchardt étaient minces, parmi ceux-ci, une inscription gravée sur une œillère en ivoire trouvée dans la cour.
Mais en 1996, l’égyptologue Alain Zivie révèle l’existence d’une tombe à Saqqara, appartenant à un certain Thoutmes. Plusieurs années furent nécessaires pour l’étude complète du caveau et c’est en 2013 qu’une publication confirme que le propriétaire de la tombe est bien la même personne qui sculpta le buste.
Il apparaît que Thoutmes était un artiste de génie, fort connu et respecté par ses contemporains. Il décora lui-même une partie de sa sépulture et réalisa notamment un autoportrait tenant une palette.
Repères
- ~1370 av. JC : Naissance de Nefertiti
- ~1345 av. JC : Réalisation du buste de Nefertiti par Thoutmôsis
- ~1333 av. JC : Mort de Nefertiti
- 1912 : Découverte du buste de Nefertiti à Tell el Amarna
- 1924 : Présentation officielle du buste à Berlin
- 1996 : Découverte du tombeau de Thoutmes à Saqqarah
- 2013 : Confirmation de la paternité du buste à Thoutmes
Super exposé. Très explicite et passionnant.J’adore et j’ai appris beaucoup de choses. Merci.
DANIEL
Avec des informations aussi claires, la prochaine visite en Egypte tu seras notre guide!!!!!!
merci pour vos commentaires !
Ton article sur cette XVIIIe dynastie est très bien développé avec des bons repères et de belles photos, c’est vraiment passionnant, on a envie d’en savoir plus sur cette incroyable et légendaire Reine ….
L’Histoire de la civilisation égyptienne doit être étudié à l’aune de la langue utilisée par les populations autochtones de l’Afrique du nord , c’est à dire le Tamazight .
En Tamazight le nom Neffertiti est constitué de Neffer (on lui cache) et Tit (l’oeil).
La signification du nom Neffertiti va donc dans le sens que l’épouse du phaaron AnekAton (et non Akhenaton) était borgne.